
Alors que l’économie de la zone euro affiche une résilience inattendue face aux incertitudes mondiales, la Banque centrale européenne maintient une posture prudente. Malgré des indicateurs encourageants et une inflation conforme à l’objectif, les responsables monétaires freinent les attentes d’un arrêt rapide des baisses de taux, soulignant les risques persistants et la nécessité d’un pilotage agile fondé sur les données.
La Presse — L’économie de la zone euro continue de faire preuve de solidité malgré un contexte mondial marqué par l’incertitude, notamment en raison des tensions commerciales persistantes. Plusieurs données publiées récemment confirment cette résilience, mais la Banque centrale européenne (BCE) maintient une approche mesurée face aux perspectives économiques, freinant les espoirs d’un arrêt imminent de l’assouplissement monétaire.
Lors de sa dernière réunion, la BCE a choisi de laisser ses taux d’intérêt inchangés. Cette décision, accompagnée d’une évaluation plutôt positive de la conjoncture, a nourri les attentes d’une fin prochaine du cycle de baisse des taux amorcé un an plus tôt, lorsque le taux directeur avait été réduit de 4 % à 2 %. Les marchés financiers, initialement confiants, parient désormais à 50 % sur une nouvelle baisse cette année, contre une quasi-certitude quelques jours auparavant.
« Un peu meilleurs » !
Cette inflexion dans les anticipations des investisseurs s’explique par des signaux économiques rassurants. La croissance du crédit atteint son niveau le plus élevé depuis deux ans, et les enquêtes internes à la BCE laissent entrevoir une reprise plus soutenue, avec une inflation conforme à l’objectif de 2 %.
En Allemagne, l’indice « Ifo » du climat des affaires a connu une septième hausse consécutive, signalant une progression continue malgré le ralentissement des exportations et de l’investissement.
Christine Lagarde, présidente de la BCE, a souligné que les résultats économiques du dernier trimestre avaient été « un peu meilleurs » que prévu. Toutefois, les responsables de la politique monétaire, à l’image de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, appellent à la prudence. Selon lui, les risques restent orientés à la baisse et l’environnement actuel exige un « pragmatisme agile, fondé sur les données et les prévisions ».
Une reprise reste fragile
Plusieurs incertitudes demeurent, notamment l’impact potentiel des droits de douane américains et la vigueur de l’euro, qui pourraient exercer une pression désinflationniste. Villeroy souligne que la récente appréciation de la monnaie unique risque de freiner davantage l’inflation, tandis que les hausses tarifaires ne devraient pas suffire à la faire remonter.
Olli Rehn, gouverneur de la Banque de Finlande, plaide pour une certaine patience stratégique. Dans une tribune, il affirme que « la valeur optionnelle de l’attente est exceptionnellement élevée », tout en reconnaissant que l’attente d’une réduction de l’incertitude, notamment liée aux décisions américaines, pourrait être vaine.
Face à cette situation, plusieurs établissements bancaires – tels que Goldman Sachs, BNP Paribas ou Commerzbank – ont revu leurs prévisions, n’anticipant plus de nouvelles baisses cette année. JPMorgan, de son côté, a repoussé une éventuelle dernière baisse à octobre. D’autres, comme Barclays ou UniCredit, maintiennent l’hypothèse d’une action en septembre, tout en reconnaissant que sa probabilité a nettement reculé.
Malgré une conjoncture plus favorable, la BCE reste sur ses gardes, consciente que la reprise reste fragile et tributaire d’un environnement mondial encore instable.